La présomption de démission d’un salarié absent ou comment faire reposer sur l’employeur une responsabilité qui ne lui incombe pas.

26/04/2023

La présomption de démission d’un salarié absent ou comment faire reposer sur l’employeur une responsabilité qui ne lui incombe pas.

Suivant l’appréciation que l’employeur fera de la justification de l’absence, un salarié pourra être privé d’indemnisation chomage. Est-ce réellement là une responsabilité des employeurs ? Nos premières réflexions sur cette nouvelle procédure.

L’article L.1237-1-1 du code du travail a posé un nouveau principe : le salarié abandonnant son poste de travail et ne le reprenant pas ou ne justifiant pas son absence malgré une mise en demeure de son employeur est présumé démissionnaire et sera donc privé des allocations de chômage. 

Les modalités de mise en œuvre de cette présomption ont été précisées dans un décret du 17 avril 2023 :

  •  L’employeur doit mettre en demeure le salarié de reprendre son poste ou de justifier son absence, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre ; 
  •   A l’issue d’un délai minimal de 15 jours à compter de la notification de la mise en demeure, si le salarié n’a pas justifié de son absence, il sera présumé démissionnaire.

D’un point de vue purement pratique, on peut s’interroger sur la faculté pour un employeur de remettre en main propre à un salarié absent, une lettre de mise en demeure de reprendre son poste.

Sur le fond, la plupart des salariés refuseront le principe d’une démission qui leur ferait perdre le droit à l’indemnisation chômage et justifieront, d’une manière ou d’une autre, leur absence.

Il reviendra alors à l’employeur de décider si oui ou non il s’agit d’une démission, décision lourde de conséquences pour les salariés.

Concédons qu’il était plus sécurisant pour l’employeur de procéder à un licenciement pour faute grave ou pour faute simple et, dans ce deuxième cas, de ne pas rémunérer son salarié pendant la durée de son préavis au motif qu’il est en absence injustifiée.

L’employeur ne portait alors pas la responsabilité de voir le salarié démuni d’indemnisation chômage. 

Se pose d’ailleurs la question de l’indemnisation à laquelle s’exposera l’employeur qui aura présumé une démission de manière injustifiée voire abusive. A quoi aura droit le salarié, à un arriéré d’indemnisation chômage, à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à des dommages et intérêts distincts ? 

L’administration ne transfère-t-elle pas ici de manière insidieuse sa responsabilité d’identifier les salariés qui tentent de contourner les conditions de l’indemnisation chômage ?

Cette réforme fait reposer sur les employeurs - ou toute équipe de ressources humaines - la responsabilité de décider qu’au motif d’une absence, un salarié sera privé d’allocation chômage et donc potentiellement de toute ressource. Est-ce bien là son rôle ?

A contrario, est-il judicieux de laisser aux employeurs la prérogative de pouvoir priver un salarié de toute indemnisation chômage au motif qu’il estime que l’absence de son salarié relève d’une démission ?

Le salarié serait alors contraint de saisir en urgence le Conseil de Prud’hommes dans un contexte où il sera sans ressources avec la crainte qu’en cas de reconnaissance d’une démission, il pourra être redevable à l’égard de son employeur d’une indemnité de préavis.

L’administration aurait dû, à tout le moins, pour protéger les employeurs et les salariés, fixer limitativement les hypothèses justifiant de l’absence du salarié.

Quoi qu’il en soit, ces questions nous invitent à émettre les plus vives réserves sur le bien-fondé de cette réforme.